Le projet

Le site « cimetières oubliés » présente des informations et des photographies sur les 40 cimetières aujourd’hui fermés mais actifs au 19 ième siècle dans le Comté de Stanstead. C’était un comté ayant existé entre 1851 et le début des années 1980. Le territoire qu’il couvrait fait aujourd’hui partie de la région de l’Estrie et est divisé entre les MRC de Memphrémagog et de Coaticook.

Les rites funéraires sont le reflet de l’identité d’une communauté, ceci depuis les débuts de l’histoire d’Homo Sapiens, jusqu’à nos jours. Les anthropologues considèrent d’ailleurs, que l’invention des sépultures funéraires, de même que l’application de pratiques d’inhumation intentionnelle, remonteraient à 120 000 ans. Qu’ils soient agnostiques ou religieux, les rituels funéraires ont considérablement varié selon les époques. Cependant, à travers les rites d’embaumement, d’inhumation, de crémation, d’immersion ou d’anthropophagie, l’être humain n’a cessé de démontrer sa volonté de s’unir à la matière dont il est issu, afin de passer à une forme d’immortalité.

Au Québec, d’avant l’arrivée des européens jusqu’à aujourd’hui, les dépouilles des défunts sont traditionnellement inhumées dans des lieux dédiés à cette fonction. Depuis 1964, la loi provinciale oblige l’inhumation des corps dans un cimetière reconnu légalement. De plus, aujourd’hui, en Estrie comme ailleurs au Québec, la mise en terre des restes d’un défunt n’est plus la garantie d’immuabilité. En effet, pour des raisons pratiques, plusieurs sites de sépultures ont été modifiés depuis les années 1950. Des réaménagements ont transporté, plus ou moins adéquatement, les stèles à la mémoire de ceux et celles qui ont été inhumés. En effet, 10 cimetières de l’ancien comté ont subi des réaménagements importants ou un déplacement de la disposition des stèles funéraires s’y trouvant. De plus, l’état de conservation des divers cimetières est très variable. En effet, bien que tous ces lieux d’inhumation soient régis en vertu de plusieurs lois, leur entretien est assuré par une varié d’entités municipales, régionales et privées, ayant des moyens financiers et logistiques très différents. Dans certains cas, aucune forme d’entretien ou de protection n’est effectuée.

Quoi qu’il en soit, l’ensemble des cimetières du Comté de Stanstead présentent encore, aujourd’hui, une histoire esthétique singulière. Ainsi, en visitant ces lieux, même si notre relation aux sépultures est souvent ambiguë, il est difficile de ne pas être frappé par l’allure des monuments funéraires et de l’espace qu’ils occupent. Les cimetières du Comté de Stanstead n’ont pas seulement contribué à définir les paysages et les points de vue, mais ce sont aussi des lieux de fixation des influences artistiques d’une époque. On peut y constater, bien plus qu’une trace des différents systèmes de pensée, qu’ils soient religieux et profanes et qui ont forgé la région, mais aussi des perspectives artistiques que sa population a manifestées depuis son implantation en Estrie. Ainsi, les stèles funéraires deviennent une démonstration de l’attachement d’une communauté à une personne, à travers la délicatesse, l’élégance et l’esthétisme.

En fait, ces cimetières ont un corpus patrimonial singulier et offrent une grande variété de caractéristiques qui sont propres à l’histoire et à la population du comté. Ils témoignent des traditions culturelles des communautés qui ont colonisé ce territoire et qui constituent une facette identitaire de sa personnalité. Tout d’abord, on peut y retrouver l’influence de trois principaux cultes religieux : protestant, anglican et catholique. Ensuite, on y observe toutes les formes courantes d’organisation spatiale des cimetières : orthogonale, en parc, de façon non-orthogonale et ceux qui sont réaménagés. Chacune de ces formes est propre à une époque et à une approche d’aménagement des lieux d’inhumation.

En somme, le site « Cimetières oubliés » permet d’explorer les cimetières fermés du Comté de Stanstead en tant qu’archives à ciel ouvert des visions esthétiques des gens qui ont peuplé un territoire. D’autre part, il réhabilite le souvenir de ceux et celles dont la sépulture a été occultée lors de réaménagement de cimetières.

Jean-François Lachance, Mai 2021